P.A Cambiz

Une critique dialectique du site

Echolalie,écholalie.
Pourquoi suffit-il de ne répéter qu'une seule fois l'écho pour qu'il se répète à l'infini ?

Une approche hâtivement objective de cette question inclinerait vers une réponse assez simple qui se référerait à l'écho comme phénomène. On dirait en effet que la notion même d'écho, impliquant en elle-même le dédoublement, il serait oiseux d'être surpris qu'en écholalie la répétition devienne infinie du simple fait qu'elle se répète une fois. En d'autres termes, nul ne peut être surpris que 2 devienne l'infini, puisque 2 n'est pas 1 + 1 ( le son et sa répétition), mais qu'au contraire 1 implique déjà au moins 2 eut égard à la connotation de dédoublement substantielle à la notion d'écho.

En fait évidemment, ce 2 du dédoublement n'est pas un 2 numéral, "nombrable", quantitativement identifiable puisque c'est la duplication qui fait mouvement dans le dédoublement, alors que la répétition n'en n'est que la résultante momentanée, abstraite au gré d'une coupure temporelle arbitraire qui - pour autant qu'elle soit empiriquement vivable pour une durée D (celle qui bornerait exactement le temps d'une seule répétition) - qui n'est qu'accidentellement éprouvée. Qui n'a donc jamais entendu l'écho se répéter plus d'une fois ? Et pourquoi ne l'aurait-on entendu se répéter infiniment s'il notre sensibilité auditive le permettait ?

On le voit, cette approche phénoménale nous mène à une conception tronquée du fait de son renvoi à implicite une expérience du temps génitrice de la confusion entre répétition et duplication. Il en serait de même d'une prise en compte spatiale du phénomène, ici plus pertinente - quoique moins intuitivement évidente - puisque qu'écholalie est un site.

Mais l'abominable limitation spatiale - 666 listes - ne doit pas nous leurrer. L'écholale n'est pas un pur phénomène, la dictature de l'empirie ne doit pas abuser "La rédaction" au risque d'une dérive de sens fondamentale. Car qu'est-ce que l'écholale : un répétiteur, ou bien un "répétitant" ? Ou pour mieux dire : un duplicateur ou bien un "duplicant" ? Est-ce vers l'En-soi ou bien vers le Dehors que la duplication fait principalement mouvement ? En quoi le message réitéré fait-il autrement sens redit que seulement dit ?

Chez Ovide on ne peut comprendre Echo sans Narcisse. Et pourtant les lectures classiques ont toutes - de mémoire d'écholale - disjointes les deux personnages de telle manière que Narcisse est lu et compris comme responsable de son tragique Fatum. Mais à lire les Métamorphoses le désir tout en bouche d'Echo est strictement adéquat au désir tout en surdité de Narcisse. Narcisse, n'ayant ni la ruse ni l'expérience d'Ulysse, ne peut se contraindre à la surdité qu'en fuyant activement, plutôt qu'en s'immobilisant à la manière dont Ulysse échappe aux cris des Sirènes. Et alors que l'eau enserre Ulysse chez l'Aveugle, elle est absente de la course répulsive et désirante que mènent de conserve Narcisse et Echo. Ulysse sait que les Sirènes ne sont pas des femmes, parce qu'il a connu des femmes; Narcisse ne sachant pas ce que lui veut Echo fuit sa forêt jusqu'à rencontrer ce lac en lisière au bord duquel, saturé d'écoute, et exténué par sa folle course son attention ne peut que se concentrer dans le regard. C'est pourquoi il meurt d'hypnose et s'efface dans l'eau vide.

Il eût fallu que Narcisse habitât Echo et ne la hantât pas seulement. De même c'est en invitant le Dehors que l'En-soi devient capable d'écholalie. C'est en résonnant jusques aux bords intérieurs de l'En-soi que le Dehors est capable de le métamorphoser. Ainsi l' En-soi "s'étrange"*-t-il et n'intègre-t-il rien.

C'est ce qu'ont bien compris les schizosophes.

*forme pronominale exhumée par J-P Lefebvre pour sa traduction de "Sich entfremdet" dans la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel éd: Aubier 1991. Ecrit dialectique s'il en est !

Le journal d'Echolalie