Assis au Vert-Galant
Un énième verre pour l’ivresse
Et le souvenir de ma princesse du Cap Vert.
Je me noie dans la Seine verte
Tout de vert vêtu.
Je cherche la pantoufle de vair
De ma cendrillon d’Anvers
Assise à l’envers.
Assis au Vert-Galant
Un énième verre pour l’ivresse
Et le souvenir de ma princesse du Cap Vert.
Je me noie dans la Seine verte
Tout de vert vêtu.
Je cherche la pantoufle de vair
De ma cendrillon d’Anvers
Assise à l’envers.
Sur l’arbre rose
La robe émeraude
Les mains lilas
D’un échalas
Qui va et vient
Sans qu’on le voie
Derrière la porte
Un tramway bleu
Qui nous emporte
Dans les étoiles et les turquoises
Loin des bas bleus
Sans qu’ils nous voient
La rue est grise
Un homme en noir
Tend sa mains rouge
Aux passants gris
Sans qu’ils le voient
Jardin d’eau douce
Poissons de lune
Une aubergine
Grille dans le feu
Sandra l’a prise
et l’a croquée
Un flic kaki
L’a menottée
Metro boulot
Une femme voilée
Bébé au sein
Et un gamin
Un peu plus loin
Qui tend la main
Elle : Mon dieu Valentin, votre présence ici est terriblement gênante !
Lui : Est ce vraiment là le fond de votre pensée ma chère ? Ma présence ne vous réjouirait donc point ?
Elle, rougissante : si bien sur, mais quand même, voyez vous, enfin quand même, vous comprenez ce que je veux dire ?!
Lui, sourire en coin : non ma toute belle, et si je n’étais d’aussi bonne composition, je pourrais même me fâcher
Elle, se rapprochant : oh, pardonnez moi mon tout doux ce n’est pas ce que j’ai voulu insinuer ! Chaque minute à vos côtés est un bonheur, et vous le savez bien …. seulement …
Lui : seulement quoi ma belle ? Ne comprenez vous pas que pour me rapprocher de vous je suis prêt à affronter tous les dangers ?!
Elle : soyez assuré que je ne doute pas un seul instant de vous, mais …
Lui : mais enfin quoi ? Vous n’allez tout de même pas me demander de repartir avant même que je n’ai pu tenir votre main entre les miennes, avant de m’avoir laissé respirer le parfum de votre peau
S’approchant de plus en plus :avant d’avoir pu ôter votre coiffe pour le plaisir de découvrir votre chevelure, admirer le glissé de vos cheveux sur vos frêles épaules, les soulever et approcher mes lèvres de votre nuque …
Elle, l’interrompant : Valentin, je vous en prie !
Lui, un brin moqueur : Valentine, je vous en prie !
Valentine, ma belle, voyez, même nos prénoms sont accordés !
Elle : mais vous savez bien que je ne suis pas seule à dormir entre ces murs, et qu’à tout instant une autre qui aura terminé son service peut vouloir rejoindre sa couche !
Lui : aucune n’a la légèreté de vos pas, et l’escalier n’est pas si bien entretenu que nous ne entendrions grincer si quelqu’une avait le projet que vous évoquez !
Elle, s’énervant quelque peu : Valentin, quelle inconséquence ! Et quand bien même nous entendrions quelqu’un monter, que feriez vous ? Réalisez vous que votre audace risque de me faire perdre ma place ?
Lui, pris de court : ma chère enfant, nous improviserions, ayez confiance
Reprenant de l’assurance : et plutôt qu’imaginer le pire, profitons de ces instants !
Elle, soupirant : Oh Valentin, je désespère de vous faire entendre raison …
Lui : c’est que je ne pouvais attendre plus longtemps Valentine. Ce nouveau travail, parce qu’il m’a éloigné de vous, me fait tant souffrir. J’en perds l’appétit savez vous, et ne dors plus. Sans cesse mes pensées se tournent vers vous, toujours plus vite je travaille et termine ma tâche, dans l’espoir de pouvoir aller me cacher sur cet arbre le long de la route d’où je peux vous apercevoir au loin, et mon cœur battant de plus en plus fort au fur et à mesure de vos enjambées pas qui vous rapprochent, et se brisant un peu plus à chaque pas qui vous éloigne de moi sans que nous ayons pu échanger ne serait ce qu’un regard ...
Elle, se laissant aller dans ses bras : oh Valentin, toujours vous avez su m’attendrir par vos mots, faire voler mes résolutions en éclat. Qu’il est bon de savoir votre attachement, Valentin, serrez moi fort !
Bruit de grincement dans l’escalier
Elle, paniquée : c’est sûrement Rose qui remonte et vient se coucher, Valentin mon dieu, qu’allons nous faire ?!
Lui : y a t il un rideau derrière lequel je puisse me cacher ?
Elle : oui, qu’elle tirera comme chaque soir avant d’aller se coucher !
Lui : une armoire dans laquelle me cacher ?
Elle : et comment ferez vous pour en sortir avant demain matin, lorsqu’elle viendra y prendre son linge ?
Lui, commençant à paniquer, lève les yeux au plafond : que faire alors ? Mais quelle est cette trappe que j’aperçois ?
Elle : c’est la trappe du grenier, où nous avons interdiction formelle de monter.
Je l’entends approcher, elle n’est plus très loin, oh Valentin !
Lui : il faut l’ouvrir, là haut je ne ferai aucun bruit, toute la nuit s’il le faut, aidez moi maintenant !
Elle court fermer la porte de la chambre à clé, puis attrape une perche qui lui permet d’ouvrir la trappe, un escalier se déploie qui permet d’accéder au grenier
Elle : grimpez maintenant ! Il y a là haut un coffre empli des effets de feu notre maître. Il y a suffisamment de place pour que vous puissiez vous y coucher cette nuit !
On perçoit une tentative d’ouverture de la porte
Elle : qui est ce ?
Voix de l’autre côté : c’est moi Rose, que se passe t il ? Pourquoi avez vous fermé la porte à clé ?!
Elle : une minute, j’arrive
Chuchotant : allez y, filez !
Lui : Valentine, vous êtes pleine de ressources, je vous aime !
Elle, ouvrant la porte à rose après avoir refermé la trappe : pardonnez moi Rose, je ne me sentais pas très bien et n’avais pas envie d’être dérangée
Rose : pas envie d’être dérangée ?! Ma pauvre Valentine, vous ne vous prendriez quand même pas pour la maîtresse de maison, que de manières vraiment ! De toute façon, j’en ai pour un instant, on a encore besoin de moi en cuisine, et peu importe que je me sente bien ou pas !
Rose, après avoir pris une pile de torchons propres dans l’armoire, repart en claquant la porte de la chambre
Elle : réouvre la porte et monte rejoindre Valentin au grenier, plongé dans la pénombre
Valentin, Valentin, mais où êtes vous ?
Poussant un cri : oh mon dieu, vous m’avez fait peur !
Lui : c’est un costume que j’ai trouvé dans le coffre que vous m’avez indiqué, il est d’un vert atroce mais au moins on ne pourra me reconnaître !
Elle : que voulez vous dire ?
Lui :ce costume va me permettre de fuir sans être reconnu ! Que croyez vous ma chère, que je vais passer la nuit entière dans ce grenier ?
Elle : mais oui, il le faut bien !
Lui : que nenni ! Je n’ai plus qu’à descendre et traverser la maison en courant
Elle : mais enfin, ce costume ne vous appartient pas !
Lui : votre maître est décédé depuis plusieurs années maintenant, je suis certain qu’il serait flatté de savoir son costume à nouveau porté, surtout ...sur un corps aussi bien bâti..
La prenant dans ses bras : Valentine, nous ne pouvons nous amuser plus longtemps, croyez bien que j’espérais une autre fin à cette soirée..
Elle : mais on saura forcément que quelqu’un est venu dans cette pièce y dérober le costume, et qu’il n’a pu y être introduit que par moi !
Lui : et oui ma chère Valentine, mais aimer n’est pas sans risque ! Prenez soin de vous, adieu !
La fée verte rugit, la fée verte me dit
Encore un peu, encore un verre. Je ris.
Tête à l'envers, chambre rancie,
Hôtel pourri, plein de vomi.
Boire sans but, boire sans soif,
Boire pour qui, boire pourquoi
Boire pour dégueuler
Sa vie, sa mort et oublier.
Je les vois tous au fond du verre
Les petits verts, les vers gluants,
J'avale tout en hoquetant.
La fée verte sourit, la fée verte me dit
Bon, bien, c'est terminé.
Vide ton verre, droit en enfer.
Il était une fois
Une forêt de cèdres bleus.
Des géants de toutes les couleurs peuplaient cet univers.
Un vieillard chef de tribu, sur un arbre perché,
Confectionnait des costumes traditionnels.
La veille de chaque soir
Il arrachait des poignées de cheveux des petites filles endormies,
Ensuite il les teignait en vert et en rose.
Puis il s’en servait pour broder les tissus.
Un soir,
Une des petites filles qui ne dormait pas découvrit le secret.
Alors elle s’enfuit dans le minuscule jardin du domaine.
Elle se cacha dans l’une des statues
Elle dévoila le secret au vent.
Ce dernier en parla aux arbres bleus.
Soudain une ange noir apparut.
La petite fille s’accrocha à ses ailes et sauva ainsi sa belle chevelure.
C’est un jour de gloire, un 14 juillet, un ciel sans tache, bleu lavande, purifié des miasmes d’essence, une douce chaleur
Les enfants s’ébrouent , les parents flânent, les vieux même, sourient à la clarté, comme s’ils pouvaient à nouveau marcher, vagabonder, en attente d’on ne sait quel miracle qui leur rendrait leur vivacité de jadis.
Des cris, des voix joyeuses, des murmures d’amour. Le monde est doux, le bonheur enfin possible, enfin atteint dans l’égalité, la fraternité, l’égalité !
Jour de fête, jour de gloire !
Soudain, le silence .Profond. Plombant.
L’obscurité .
Une ombre recouvre tout, puis une silhouette peu à peu prend forme ; une forme féminine, géante qui s’étend sur le monde, en robe de velours rouge , moirée de noir ; ses longs cheveux ondulent en tresses, se tordent, s’enroulent, ses mains griffues se tendent vers les forêts, les mers, les villes, ses pieds écrasent ce qu’ils foulent.
Le silence.
Et , chacun, aux tréfonds de soi entend comme une voix lointaine, douceâtre, une vague musique, un chant hypnotisant, un murmure intime et terrorisant.
« Malédiction. Je vous maudis .
Maudits soyez vous de génération en génération ; maudits jusqu’à la fin des temps.
Je suis la mère, la mégère, la marâtre, Lilith, Médée, Méduse, Cléopâtre, Cassandre, Antigone, la pute lubrique, l’empoisonneuse, , l’avorteuse.
Vous m’avez maudite, décapitée, écartelée ; vous m’avez massacrée , violée, mise en pièces, enterrée vivante, et vous vous êtes crus débarrassés de moi, à jamais…
Hommes ignorants et vaniteux, rien ne peut me détruire.
Hommes cruels, hommes de peu d’amour, je vous maudis.
Maudits soyez vous pour vos armes, vos bombes, vos prisons, vos microbes, vos tortures, vos ghettos, vos camps , vos 14 juillet triomphants, vos soldats inconnus, vos forêts détruites, vos poisons, vos mers souillées, vos oiseaux morts, vos fleurs artificielles, vos tubéreuses puantes, vos banques, vos corrupteurs, vos corrompus…
Vous porterez les stigmates de ma haine pour l’éternité .
Hommes vous deviendrez chauves, imberbes, glabres ; votre peau couverte de crevasses purulentes ; votre sexe toujours en érection cherchera sans cesse où se soulager et chacun de vos coït sera aussi douloureux qu’une castration .
Femmes, vos seins seront plus lourds et plus stériles que des boules de pétanques ; vos vagins béants et rouge vif des nids d’ impuretés ; vous accoucherez d’enfants dont les yeux seront des oreilles, les pieds des nez, les mains des lèvres, les lèvres des yeux, les oreilles des orteils ; ils vous assourdiront de leurs cris perçants ;toujours affamés et jamais assouvis.
Tchoutchouk nougat, marins d’eau douce, bois sans soif
Je vous… »
Un enfant éclate de rire.
L’ombre s’efface.
C’est un jour de gloire…de bleu lavande…de douce chaleur.
Mais chacun en ses tréfonds entend comme un murmure lointain, une vague terreur , un écho qu’il ne comprend pas .
Il était une fois un loup noir qui était très jaloux.
Jaloux de qui, de quoi, me direz-vous ?
Jaloux … d’un oiseau, voyez-vous !
D’un oiseau, tiens donc, et pourquoi ?
Parce que le loup noir était né, noir avait grandi, noir vieillissait et noir mourrait.
Tandis que l’oiseau lui, l’oiseau … pêchait les couleurs.
Il pêchait les couleurs dans les flaques, dans les lacs,
Dans les rivières et dans les mers,
Il pêchait les couleurs … et les gardait sur ses ailes !
Le loup et l’oiseau vivaient deux dans un pays pas si petit, tous les jours ils changeaient chacun de lieu et n’auraient donc pas dû se croiser souvent. Et pourtant, il ne se passait pas une semaine sans que le loup ne croise le chemin de l’oiseau … ce qui l’irritait profondément puisque, je vous le rappelle, comme je vous le disais au début, le loup était jaloux, horriblement jaloux de l’oiseau !
Son pelage était noir, vraiment noir, tout noir, absolument noir, plus noir même qu’une nuit sans lune.
Vous, vous trouvez peut être que le noir, c’est une belle couleur ? Moi aussi d’ailleurs, mais le loup, lui, estimait que le noir n’est pas une couleur. Et donc il considérait qu’étant sans couleur, il était transparent ! Drôle de raisonnement n’est ce pas ?! Quand on regarde un objet noir, on ne voit pas au travers, et donc on ne peut pas dire que cet objet est transparent ! Mais le loup lui pensait différemment, et depuis toujours il se lamentait de ce corps noir qui depuis la naissance l’accompagnait.
Il aurait aimé flamboyer le loup, éblouir ceux qu’il rencontrait. Mais il se trouvait terne, insignifiant et jalousait l’oiseau.
L’oiseau, lui, ce maudit oiseau pensait le loup, resplendissait de mille couleurs. Il était impossible de dire si l’oiseau était plutôt bleu, plutôt jaune, rouge ou vert. On pouvait essayer de fixer un point précis du corps de l’oiseau mais ses couleurs étaient en réalité changeantes, elles variaient en fonction des saisons, de la lumière et même de l’humeur de l’oiseau. A vrai dire, l’oiseau était toujours de bonne humeur, mais lorsque certains jours il était particulièrement de bonne humeur, ses couleurs étaient encore plus resplendissantes qu’à l’accoutumée.
Les couleurs de l’oiseau variaient également selon l’endroit où il pêchait ses couleurs : l’eau des flaques le teintait souvent d’un beau violet mordoré, celle des rivières le couvrait de bleu, tandis que la mer le portait vers des verts aux mille reflets argentés.
Et le loup donc était jaloux, très jaloux, horriblement jaloux. Quant il croisait l’oiseau en train de pêcher, c’était une vraie torture pour lui que d’assister au spectacle des couleurs s’illuminant une à une sur les ailes de l’oiseau.
Et lorsque l’oiseau s’ébrouait, un peu à la manière des chiens, vous voyez ce que je veux dire, lorsque donc l’oiseau écartait ses ailes pour les faire sécher, relevait sa queue et secouait ses plumes, on aurait dit un feu d’artifice ! Vraiment, oui, le loup monochrome avait des raisons d’être jaloux.
—
Un jour, alors qu’il venait d’assister à une partie de pêche particulièrement réussie, le loup décida que cela ne pouvait plus durer : il se dit que lui aussi, même s’il avait un peu (et même beaucoup) peur de l’eau, pouvait se mettre à pêcher des couleurs...
—
A partir de ce jour, il suivit l’oiseau partout où celui-ci se rendait, pour l’observer de plus près et tenter de percer son secret.
Au début, le loup se cachait : il ne voulait surtout pas effrayer l’oiseau et il pensait que si celui-ci s’apercevait de sa présence, il prendrait immédiatement la fuite en s’envolant à tire d’ailes colorées.
Or le loup n’avait pas bonne vue : pour se cacher, par prudence, il rester relativement loin de l’oiseau. En outre, les feuillages derrière lesquels il s’abritait obstruaient sensiblement sa vue déjà défaillante.
Aussi, petit à petit, le loup « sortit du bois », c’est à dire en l’occurrence de sa cachette et s’approcha davantage de l’oiseau.
Or celui-ci, à la surprise du loup, paraissait assez indifférent à sa présence.
Peut être, se dit le loup, que cet oiseau est pourvu d’une vision encore plus mauvaise que la mienne. Cette pensée enhardit le loup et il osa s’approcher encore plus de l’oiseau, jusqu’à se trouver à quelques centimètres de lui…
A peine l’oiseau sembla -t-il s’en apercevoir !
En tout cas, le loup était ravi de pouvoir enfin voir comment l’oiseau procédait pour se parer de si belles couleurs.
Mais, mais, mais, voyez vous, au moment où je vous raconte cette histoire, le loup et l’oiseau ne sont plus de ce monde depuis belle lurette !
Et le loup qui, je vous rappelle, comme tous les loups ne savait pas écrire, n’a JAMAIS raconté à quiconque le secret de l’oiseau !
Toujours est il que l’on sait, de source sûre, que le loup voulut procéder comme l’oiseau, mais que comme il ne sait pas nager et avait une peur (bleue) de l’eau, il faillit se noyer !
Il paraît qu’alors, mais là commence peut être la légende, l’oiseau n’écoutant que son bon cœur voulut le secourir et y parvint !
Alors, après s’être remis de ses émotions, le loup conta ses malheurs à l’oiseau.
Or, je vous l’ai dit, l’oiseau était toujours de bonne humeur et s’il était toujours de bonne humeur, c’est parce qu’il était profondément bon. Aussi, en écoutant la complainte du loup, l’oiseau fut empli d’empathie.
Il y a pourtant des choses bien plus graves dans la vie que d’être noir, sans couleur, transparent, n’est ce pas ?!
Cependant, l’oiseau était vraiment embêté d’être la source des malheurs du loup.
Alors, dans un grand élan d’âme, il lui proposa de lui donner ses couleurs, oui, vous m’avez bien compris, l’oiseau offrit ses couleurs au loup !
Le loup ne réfléchit pas plus loin que le bout de son museau, qu’il avait pourtant fort long.
On ne sait comment ils s’y prirent, mais depuis ce jour fameux, les loups sont, non pas noirs, mais gris, et blanches les colombes ...
Emilie a deux chaussures,
Deux chaussures magiques,
Electriques, aérodynamiques,
Presque identiques.
C'est assez pratique.
Quand Emilie sourit,
Ses chaussures sont gris souris;
Qu'elle se mette à courir,
Ses chaussures brillent telles des saphirs.
Quand Emilie danse le hip-hop
Ses chaussures sont héliotropes,
Trop contentes elles galopent,
S'agitent et font clop-clop.
Quand Emilie fait la maline,
Ses chaussures sont grenadine
Quelque fois bleu-marine,
Elles ont vraiment bonne mine.
Quand Emilie est morose
Ses chaussures sont toutes roses;
Mais que par hasard elle gigote,
Elles deviennent pomme-abricotes.
Quand Emilie joue aux échecs
Ses chaussures sont pastèque;
Si elle dîne avec Houellebecq
Elles se déguisent en archevêques.
Quand Emilie fait du parapente
Ses chaussures sont transparentes;
Qu'il neige, pleuve ou vente,
Elles font ce qui leur chante.
Quand Emilie s'endort,
Ses chaussures sont jaune d'or,
Très contentes de leur sort,
On dirait deux alligators sur ressorts.
Emilie a deux chaussures,
Deux chaussures magiques,
Éclectiques, dichromatiques,
Maintenant identiques.
C'est assez fantastique.
S’il fallait un titre à cette nouvelle ça pourrait-être : Une nouvelle sans chute c’est comme un restaurant sans plat du jour
J’avais beaucoup hésité avant de prendre ce poisson rouge chez moi. Mais tous mes copains avaient un animal de compagnie et alimentaient nos rencontres en parlant des prouesses de leur chien ou de leur chat. Mais changer une litière de chat pas question, sortir un chien deux fois par jour encore moins, serpent, chimpanzé, tortue on oublie, des oiseaux ça fait du bruit chaque fois qu’on a besoin de silence alors on oublie aussi.
Il n’y a pas à dire, un poisson dans un bocal c’est ce qu’il y a de mieux.
Je fis beaucoup de boutiques avant de trouver celui-ci, il était rouge ce qui est on ne peut plus banal. Il fallait lui trouver un nom je choisis de l’appeler Jean-Paul, c’est sobre et élégant pour un poisson et puis ça m’amusait de voir les gens se demandaient si je ne m’étais pas brulé quelque chose quand je parlais de Jean-Paul ; ça m’amusait beaucoup.
Chaque fois que je rentrai le soir, en tournant la poignée de cette vielle porte qui grinçait, j’étais heureux de savoir que j’allais retrouver Jean-Paul ; l’idée qu’un jour il ne serait plus là me rendait triste. On ne peut imaginer la place que peut prendre un poisson rouge dans une vie.
Tout allait bien entre Jean-Paul et moi jusqu’au jour où alors que comme tous les matins j’allais courir, sur mon chemin j’ai rencontré un chat noir qui s’est mis dans mes jambes, je trébuchais et je faillis tomber. Je criai sur ce greffier qui avait osé se mettre dans mes jambes, il me regarda en miaulant, un miaulement qui ressemblait à un chant ; cet horrible chat noir osait chanter !
Je pris des pierres et lui jetai, mais il continua de chanter. Je regardai mes mains elles étaient noires comme cette saleté de chat, comme du charbon. Je fis demi-tour, il n’y avait plus que Jean-Paul pour me réconforter, c’était je m’en suite rendu compte à cet instant, mon pneu de secours. C’est ce que je croyais mais quand je suis entré dans mon salon où devait m’attendre Jean-Paul, qu’elle ne fut pas mon étonnement de ne plus voir un poisson rouge mais un poisson noir. Sale engeance animale qui développe cette stupide solidarité ! « Mais c’est quoi ça » dis-je à Jean-Paul « Tu ne sais pas que ce chat aurait fait une bouchée de toi »
Comme si Jean-Paul avait communiqué avec moi par télépathie, je me suis mis à penser que c’était le cycle normal de la chaîne alimentaire. Ce fut épouvantable : mon poisson rouge, non mon poisson noir, me parlait. Je me sentais épuisé, je ne tenais plus debout un peu comme un rhumatisant sans sa canne ; alors je me suis dit qu’après une bonne douche, j’irai mieux, mais en arrivant dans ma salle de bain il y avait des poissons noirs partout : dans le lavabo, dans la baignoire sur le carrelage et tous m’envoyaient leur pensée : « tu n’as pas honte de jeter des pierres aux chats noirs ? ! » tous ces poissons me jetaient un regard méchant, je ne pus fermer la porte, ils me suivirent jusqu’à la cuisine. « Jean-Paul » me dis-je, mais était-ce vraiment à moi que je parlais ? « Jean-Paul, tu as faim, c’est pour ça que tu hallucines ! Je hais les animaux ! Je hais les hommes ! Je hais le monde ! Je me hais ! » Il fallait que je mange quelque chose, j’ouvris le réfrigérateur et des dizaines de poisons noirs en tombèrent.
Je ne sais pas encore comment j’ai réussi à quitter ma maison sans être suivi par les poissons. Ouf ! Enfin au Bar des Cascades une bonne bière, le plat du jour et après on verra.
« Caroline, qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ?
- Le plat du jour aujourd’hui c’est du lieu noir, Jean-Paul »
A j'aime ton vert
A-moureux que nous sommes
nous nous roulerons dans l'herbe verte
A vert comme la vie
tu es né du ciel si bleu, si bleu,
et qui a rencontré le jaune
jaune comme le O,
le O jOOOne comme le O
Le O soleil
Le O rayonnant
Le O éblouissant
Le O éclaboussant
Le O resplendissant
Le O de satisfaction
Le O de stupeur
O jaune tournesol, jaune d'or
O soleil qui traverse les ciels les plus gris
O sans qui le soleil est gris
gris comme le E
E gris qui s'appuie sur le O
E gris qui s'appuie sur le A
E gris qui se colle à d'autres voyelles
à d'autres consonnes
E gris qui change de sexe
en changeant de chapeau
E gris qui se tait quand il est seul et nu
E tu es gris sans couleur
tu ne sais même pas
que quand tu t'en vas
le ciel est bleu, le ciel est bleu
bleu, bleu, comme le I
I parce que tu es bleu France
tu te mets au garde à vous
I pourquoi ne pas avoir choisi
le bleu outre-mer ?
le bleu de la mer Egée
alors comme un I grec
Tu pourrais lever les bras
comme les exilés
qui rougissent la mer Egée
de leur sang rouge
rouge de notre honte,
rouge de notre colère
rouge comme le U
U rouge de colère
U rouge de plaisir
U rouge de timidité
U qui hurle
U qui brûle
U qui transforme tout en cendres
en cendres grises,
grises, mais d'un gris
de toutes les couleurs
Un dernier verre sur le comptoir vide
Une fée me nargue
de ses yeux verts avides
Je tends mes mains vers elle
Mais la voilà partie
Envolée quelque part
Disparue dans la ville
Sa pantoufle de vair
au fond du caniveau
Je me traîne dans la mare
je trébuche dans l’eau
Dans l’eau verte croupie
De crachats envahie
Comme des vers luisants
Qui dans la nuit scintillent
Et je retourne boire
Et mes jambes vacillent
Et dans le ciel sombre
les étoiles brillent
aux reflets verts dorés
et mes yeux s’écarquillent
sers moi un dernier verre sur le comptoir vide
La petite fille perdue dans un minuscule jardin plein de statues s’assit sur un banc pour regarder autour d’elle. Elle n’avait pas peur. Elle ferma les yeux et se laissa emporter par ses rêveries. Elle se revoyait bébé dans les bras de sa mère, quand elle l’emmenait faire de longues promenades en forêt. Sa mère aimait écouter le vent qui savait parler aux arbres verts. Aujourd’hui aussi elle écoute le vent qui lui ramène le rire cristallin de sa mère.
Elle revoit le vieillard qui confectionnait des vers et des roses, c’était un petit homme que les gens traitaient de fou. Il récitait ses poèmes à qui voulait l’entendre, les gens s’arrêtaient parfois, mais souvent ils faisaient semblant de ne pas le voir. Ils étaient gênés par son sourire quand il tendait une rose aux femmes qui croisaient son chemin.
Un jour ensoleillé, sa mère avait accepté le cadeau du vieillard et l’avait embrassé sur la joue.
Sa mère n’était plus là mais elle veillait encore sur son enfant. Elle le savait et elle la voyait dans le ciel. Ses cheveux étaient devenus verts en côtoyant les arbres de la forêt. Elle était l’ange vert qui voulait donner ses ailes pour retrouver sa vie terrestre. La petite fille vît une larme perler sur le visage de sa mère.
Elle ouvrit les yeux et suivant la trace mordorée laissée par la fée, elle retrouva le chemin de la maison de son père.
Nuit:
Mon coin du 20ème en haut de la rue de la Chine a pour nom « La Colline »
Petite terrasse au 8ème étage coté cour.
Avec l’humidité de la nuit le zinc des toitures se couvre d’une fine couche de glace bleutée, noire sur le fond bleu une silhouette furtive monte- en- l’air ou fantôme ?
Les chapeaux des cheminées luisent faiblement alors que de loin en loin s’échappe un panache cotonneux.
Les arbres du Père Lachaise comme une marée noire qui avance.
Mosaïque lumineuse des blocs de Saint Blaise et de Porte de Bagnolet si moches le jour si vivants la nuit. Le clocheton de la Mairie s’est détaché de sa base et flotte. A gauche au loin les deux flèches rouges des Mercuriales menaçantes, à droite très haut les grues du chantier voisin perforent le ciel.
Les bambous du 7ème étage violemment éclairés par en dessous palpitent au moindre souffle… ombres chinoises sur mes carreaux.
Loin très loin sur l’horizon les éclats blancs des projecteurs du stade Charléty les soirs de match ou d’entrainement et –en automne- les manèges de la Foire du Trône : cigares arc en ciel, toupies fluorescentes, tours télescopiques…
Quand le temps est à la pluie le ciel se fait lourd et rouge , quand le temps est sec des vaisseaux légers, clignotants glissent sur le velours d’encre dans le plus grand silence.
Extérieur jour:
Des toits à l’infini…une mer de toits.
Quand le soleil se fait rasant les petites cheminées cylindriques de terre rouge telle une forêt de champignons sur les conduits en maçonnerie.
Des vagues vertes :les arbres du Père Lachaise.
Crevant l’harmonie des toits de zinc , quelques immeubles massifs bêtement rectangles percés de mille fenêtres en rangs bien serrés.
Le clocher de la Mairie,
Les grues du chantier, à l’arrière plan le quartier de la place d’Italie
Dans l’angle à gauche les antennes des Mercuriales
Les bambous du 7ème se balancent dans le vent
Premier passage d’un train de nuages d’Ouest en Est poussés par le vent de la mer…puis retour d’Est en Ouest quand les courants s’inversent.
Chuchotement des avions dans le ciel.
Un certain soir à la fin de l’hiver
Ivre de solitude, de malheur et de mauvais vin
Dans la rue du Vert Galant
Vincent titube hurle puis s’effondre
Arles est verte sous la lune
Les étoiles tournent à l’envers dans le ciel
Les taureaux rendus fous par le vent se jettent dans le Rhône
Lisette s’est pendue, Vincent ne la reverra plus
Verte l’absinthe dans son verre
Vert le riz nouveau dans les rizières
Vert le front de l’Arlésienne sur la toile
Un certain soir à la fin du printemps
Trois coups de feu dans le silence d’Auvers sur Oise
Trois tâches de sang sur la chemise de Vincent
C’est une maison bleue
Adossée à la colline
On y vient à pieds
Ceux qui vivent là
Ont jeté la clef
Mais je l’ai retrouvée, la clef
J’ai pris la clef des champs
Pour t’y retrouver
Dans cette maison bleue
Et je t’ai vu de loin
Tu étais sur le toit
Remplaçant les bardeaux bordeaux
Ton torse orange luisant au soleil
Ton torse orange
Sur les bardeaux bordeaux
Et alors tu m’as vu
Tu m’as reconnu
Tu m’as souri
Toi en haut
Moi en bas
Tu m’as souri
Et tes yeux bleus et gris
Se sont posés sur moi
Toi en haut
Moi en bas
Et puis tu es descendu
Décrochant de l’échelle
La casquette vert kaki
Que tu rajustas sur ton beau front blond
Front blond
Tu m’emmenas dans la cuisine
Où là, sur le carrelage,
Je pus à loisir
Me noyer dans tes yeux
Tes yeux
Et toi perdre tes doigts fougueux
Dans mes cheveux
Cheveux
Toi en haut
Moi en bas
Ta salopette gris bleu
Sur les talons
Talons
Toi en haut
Et moi en bas.
A, E, I, O, U, c’est la farandole des voyelles,
A, E, I, O, U, quel panache de couleurs !
A, E, I, O, U, la folle sarabande s’ébranle et va se cacher dans la forêt, petite coquine !
A en premier,
A noir dont la noirceur d’âme mène ses petits amis jusqu’à une clairière,
Une clairière, mais pourquoi donc ?
Parce qu’ici on est tranquille.
Et A de s’étaler sur l’herbe verte,
La tête en bas les deux guiboles en l’air.
Il place, entre ses jambes, un clafoutis.
Mais tu aimes les galipettes, sacré A !
S’écrie E, en exhibant la baguette du pique-nique.
E est rouge, rouge de gourmandise et tout timide à la fois.
Il voudrait bien y goûter, mais il n’ose pas tout à fait.
C’est I qui l’y incite.
D’abord un peu fléchi, il avance, dorénavant fièrement, bille en tête.
I est blanc, veiné de bleu, avec un bonnet rose.
Il se dirige vers A, visant le clafoutis,
Mais il se fait dépasser par O
Qui déboule avec la rapidité
D’une roue de moto.
Et, savez-vous quoi ? Voulant à lui tout seul engouffrer le clafoutis,
Il brûle la politesse à I !
La bouche déjà ouverte, faisant un joli O.
O, il faut le savoir, est violet, et les reflets que les poils bruns
Jettent sur sa peau lisse sont du plus joli effet.
Voilà donc O, entre les jambes de A – je vous laisse imaginer le tableau !
Et I qui se refuse à voir ça sans rien faire
Plonge aussi dans la mêlée,
Quel toupet !
Le calme d’habitude sylvestre de la clairière fut alors troublé
Par des Ah, des Oh et un I qui finit par une génuflexion,
Les lèvres maculées de clafoutis.
E assistait pantelant à la scène,
Sa baguette ayant été délaissée.
Pour un temps seulement,
Car les bras de U vinrent l’enlacer.
U est bleu, car U est romantique,
C’est son côté fleur bleue.
« Viens, dit-il à E, reprends ta baguette,
Moi je veux bien la déguster. D’ailleurs,
Il faudrait que je t’introduise,
À l’occasion,
A un de mes amis,
Il s’appelle Q.
Pour l’heure, allons compter fleurette,
Je connais un joli coin où poussent des marguerites. »
Et ils allèrent, tous les deux, E et U,
Bras dessous, bras dessus,
Célébrer leur amitié naissante
Dans l’intimité des arbres
Touffus de la forêt.