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Eloge du chinchard chez Verheggen

JULES CHINCHARD


Si j’avais à retrouver mon âme innocente d’enfançon d’la Sambre et Meuse, je la chercherais du côté d’mes petits compagnons, petits pêcheurs wallons, capables, comme moi, de prénommer tous les poissons par leur prénom : Léon, le gardon du Piéton ou Valentin, un sacré goujat de goujon qui sévissait, raconte-t-on dans les eaux de l’eau noire à Couvin, ou Gaston, le carpillon des Étangs du Bras Mort de la Tanche d’Or à Mornimont.
Ô saisons ô chanteaux de pain ô vermisseaux ô asticots, quelle âme est sans défaut ?
Les jours de manque ô asticots que nous étions ! Ou bien nous chantions : bredouille, montre-nous tes couilles ! Ou bien, nous attribuions notre malchance à la concurrence : aux grenouilles de bénitier que nous détestions et aux bigots qui ne cessaient de tirer des bigorneaux d’leur nez pendant l’office du curé !
Ou encore aux Romains !
Aux légions de Jules Chinchard, venues gauler, sans permission, dans les rivières de nos régions, et enlever nos Sabines, et chaparder nos sardines que le Général disputait à Boduognat, le roi namurois du pan-bagnat, qu’il accusait de garnir de faux anchois ses pizzas !


Une page choisie de Jean-Pierre Verheggen, extraite de On n’est pas sérieux quand on a 117 ans. (L’arbalète, Gallimard - 2001)
Remerciements à Farid
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