Liste de signataires
Lettre des membres de l’Institut Universitaire de France (10 février 2009)
à Monsieur N. Sarkozy, Président de la République Française
Monsieur le Président,
Nous, membres de l’Institut Universitaire de France (IUF), tenons à vous faire part de la stupéfaction que nous avons éprouvée lors de l’audition de votre discours du 22 janvier dernier à l’occasion du lancement de la réflexion pour une stratégie nationale de recherche et d’innovation.
La recherche menée au sein des Universités françaises - souvent en association avec les grands organismes de recherche français est d’une qualité et d’une diversité reconnue internationalement. L’IUF, par sa richesse disciplinaire, par son recrutement fondé sur une évaluation internationale des candidatures si tant est que le fait du Prince ne vienne pas interférer comme nous avons hélas eu à le regretter pour la première fois cette année-, et par l’indépendance accordée à ses membres, associée à une évaluation a posteriori, constitue une excellente synthèse du modèle français de recherche universitaire. L’IUF n’est pas « l’arbre qui cache la forêt » : il regroupe des enseignants-chercheurs et des enseignantes-chercheuses représentatifs de la qualité de la recherche développée dans leurs universités, y compris celles de taille moyenne ou faible.
Monsieur le Président, nous n’acceptons pas les sarcasmes qui ont émaillé votre discours. Les métaphores « immobilisme », « frilosité », « repli sur soi »- sont aux antipodes de notre réalité quotidienne et de la passion que nous consacrons à notre travail. Nous n’acceptons pas non plus les contre-vérités : budgets prétendus en hausse, résultats de la recherche française prétendus en retrait de ceux d’autres pays, prétendue absence de l’évaluation de nos métiers. Nous sommes habitués aux vérifications, aux débats, aux confrontations. Chaque jour, nous devons argumenter pour défendre une idée, une découverte. Nous ne pouvons croire que notre Ministère ignore cela. Il aurait dû vous en informer ou tout au moins vous auriez dû l’écouter.
Nous, universitaires de divers horizons et aux avis parfois divergents sur la manière d’envisager le fonctionnement de l’Université, sommes donc unanimes : le manque de considération dont vous avez fait preuve à l’égard du monde de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur le 22 janvier dernier a eu et aura des effets catastrophiques, dont notre réaction aujourd’hui veut témoigner. Il s’écoulera du temps avant que la majorité des enseignants-chercheurs et enseignantes-chercheuses de notre pays recouvre un semblant de confiance en ses dirigeant(e)s.
La recherche universitaire constitue le monde de l’exploration des inconnues. Il n’est pas celui de l’immédiateté, de la rentabilité à court terme et du paraître. La qualité de ses productions ne se mesure pas systématiquement avec des indicateurs chiffrés et des classements internationaux. Si l’Université est construite sur la seule finalité économique, cela ne peut que limiter sa vocation et contribuer à détruire la culture. Nous ne contestons pas le besoin de réformes. Mais celles-ci doivent être construites en concertation et en tenant compte de l’identité universitaire.
Avec nos sentiments les plus respectueux pour la fonction que vous incarnez.
- Albert Cohen, Professeur (Mathématiques), Université Pierre et Marie Curie
- Alain Blorer, Professeur (Chaire d'ontologie comparée), Université de l'Ermitage, Paris XX
- Alain Quemin, Professeur (sociologie), Université Paris-Est
- Alberto Bramati, Professeur (physique), Université Pierre et Marie Curie
- Anne Hugon, Maîtresse de Conférences, Histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
- Anne Lacheret, Professeur, (Linguistique), Paris X, Nanterre
- Anne Spica, Professeur (langue et littérature françaises), Université Paul Verlaine Metz
- Arlette Streri, Professeur (Psychologie du développement de l’enfant), Université Paris Descartes
- Arnaud Rykner, Professeur (littérature et Etudes théâtrales), Université de Toulouse-Le Mirail
- Benoit Perthame, Prof. de Mathématiques, Universite P. et M. Curie
- Benoît Bardy, Professeur (sciences du Mouvement) Université Montpellier-1
- Bernard Gazier, professeur (socio-économie), Université Paris 1
- Bernard Host, Professeur (mathématiques), Université Paris-Est Marne la Vallée
- Bernard Mazoyer, membre Senior (Neuroimagerie Cognitive), Directeur du GIP Cyceron, Directeur de CI-NAPS UMR6232
- Bertrand Guillarme, Professeur (théorie politique), Université Paris VIII
- Bruno Courcelle, Professeur (Informatique), Université Bordeaux 1
- Carlos Miguel Herrera, Professeur (droit public), Université de Cergy-Pontoise
- Catherine Maurer, Maître de conférences (histoire contemporaine), Université de Strasbourg
- Catherine Picart, Professeure (biologiste), Université de Montpellier 2
- Christian Bonah, Professeur (Histoire des sciences - épistémologie) Université de Strasbourg
- Christian Heck, Professeur (histoire de l’art), Université de Lille 3
- Christian Masquelier, Professeur (Chimie), Université Picardie Jules Verne, Amiens
- Christine Bard, professeure (histoire contemporaine), Université d’Angers
- Christophe Donnet, Professeur (chimie), Université Jean Monnet
- Christophe Ferrari, professeur (glaciologie) université Joseph Fourier, Grenoble
- Christophe Morhange, Professeur, Université Aix-Marseille
- Claire Rampon, Chargée de Recherche, CNRS, ex Maitre de Conférence (biologie), Université de Toulouse
- Claude Fabre Professeur (physique), Université Pierre et Marie Curie Paris 6
- Colette Grinevald, professeure (Sciences du langage), Université Lyon2
- Céline Spector, Maître de conférence, (philosophie)
- Céline Trautmann-Waller, Professeur, Etudes germaniques, Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle
- Daniel Russo, Professeur (Histoire de l’art médiéval), Université de Bourgogne (Dijon)
- Denise Pumain, Professeure (géographie), Université Paris I
- Didier Blavette, Professeur (Physique), Université de Rouen
- Dominique Bakry, Professeur (mathématiques), Université Paul Sabatier, Toulouse
- Dominique Cerveau, Professeur (mathématiques), université de Rennes 1
- Dominique Lagorgette, Maître de conférences (Sciences du langage), Université de Savoie
- Dominique Maingueneau, Professeur (linguistique), université Paris XII
- Dominique Rabaté, Professeur (littérature française moderne et contemporaine), Université de Bordeaux 3
- Eliane Viennot, Professeure (Littérature), Université Jean Monnet (Saint-Etienne)
- Emmanuel Lazega, Professeur (sociologie), Université Paris-Dauphine
- Emmanuelle Sibeud, Maître de conférences (histoire contemporaine), Université Paris 8
- Eric Vivier, Professeur (Biologie), Université de la Méditerranée
- F. Klopp, Professeur (mathématiques), Université Paris 13
- F. Moreau, Professeur, Ecole Normale Supérieur LSH
- Fabrice Bethuel, Professeur (mathématiques appliquées), Université Pierre et Marie Curie (Paris 6)
- Florence Jany-Catrice, Maître de Conférences (Socio-économiste), Université Lille1
- Francesca Gulminelli, Professeur (Physique) Université de Caen-Basse Normandie
- Franck Barthe, Professeur (mathématiques), Université Toulouse III
- Francois Henn, Professeur (Chimie-Physique), Université Montpellier 2
- Frank Wagner, Professeur (mathématiques), Universite Lyon 1
- Françoise Lavocat, Professeure (littérature comparée), Université Paris 7
- Frederick Douzet, Maitre de conférences (géopolitique), Université Paris 8
- Frédérique Duyrat, Maître de conférences (histoire), Université d’Orléans.
- Geneviève Sellier, Professeure (études cinématographiques), Université de Caen
- Georges Brougnard, Professeur (littérature), Université de Tananarive, spécialiste de "La Princesse de Clèves"
- Gérard Iooss, Professeur (mécanique des fluides théorique), Université de Nice
- Henri Cohen, Professeur (mathématiques), Universite Bordeaux I P.-
- Hervé Courtois, Professeur (Physique), Université Joseph Fourier - Grenoble
- Huyên Pham, Professeur (mathématiques appliquées), Université Paris 7 Diderot
- Hélène Débax, maître de conférences (histoire médiévale), Université Toulouse II-Le Mirail
- Jean-Claude Weill, Professeur (biologie), Université Paris Descartes
- Jean-François Bonastre, Professeur (informatique), Université d’Avignon
- Jean-François Joanny, Professeur (physique), Université Pierre et Marie Curie Paris 6
- Jean-François Kervégan, Professeur (philosophie), Paris 1 / Panthéon-Sorbonne
- Jean-Luc Autran, Professeur, Université de Provence
- Jean-Luc Nespoulous, Professeur (Sciences du Langage), Université de Toulouse Le Mirail
- Jean-Michel Raimond, Professeur (physique), Université Pierre et Marie Curie
- Jean-Paul Soulillou, Professeur, Université de Nantes
- Jean-Pierre Martin, Professeur (littérature), Université Lyon 2
- Jean-Yves Chemin, Professeur, Université Paris 6
- Jean-Yves Saillard, professeur (chimie), Université de Rennes 1
- Joël Biard, Professeur, Université François-Rabelais, Tours
- Laurence Nigay, Professeur (informatique), Université Joseph Fourier Grenoble
- Laurent Jaffro, professeur (philosophie), université Blaise Pascal-Clermont 2
- Laurent Labeyrie, Professeur (sciences du climat et de l’environnement), Université Versailles St-Quentin
- Louis Chauvel, Professeur (Sociologie), Sciences Po Paris
- Luca Cipelletti, Professeur (physique), Université Montpellier 2
- Lydéric Bocquet, Professeur (physique), Université Lyon 1
- M.W. Hosseini, Professeur (Tectonique Moléculaire), Université de Strasbourg
- Marc Fontecave, Professeur au Collège de France (Chimie des Processus Biologiques), Membre de l’Académie des Sciences
- Marie-Eve Thérenty, Professeure (littérature française), Université Montpellier III
- Marie-Luce Demonet, Professeur (littérature française), Université François-Rabelais de Tours
- Maron Laurent, Professeur (Chimie-Physique), Université Toulouse III
- Martin Aurell, Professeur (histoire médiévale), Université de Poitiers
- Martin Giurfa, Professeur (Neurosciences), Université de Toulouse
- Max Malacria, Professeur (chimie moléculaire), Université Pierre et Marie Curie
- Michel Barlaud, Professeur (STIC) à l’Université de Nice-Sophia Antipolis
- Michel Campillo, Professeur (Géophysique), Université Joseph Fourier-Grenoble
- Michel Cogné, Professeur (biologie), Université de Limoges
- Michel Guérin, Professeur (Philosophie Esthétique), Université d’Aix-Marseille 1
- Michèle Carlier, Professeure (Psychologie), Université Aix Marseille 1
- Nicolas Mathevon, Professeur (biologie), Université de Saint-Etienne
- Nicolas Reveyron, Professeur (histoire de l’art et archéologie), Université Lumière-lyon 2
- Nicolas Weill-Parot, Maître de Conférences (Histoire médiévale), Université Paris 8
- Olivier Ferret, Maître de conférences (Littérature française), Université de Lyon, Lyon2
- Olivier Guerrier, Maître de conférences (littérature française), Université de Toulouse-Le Mirail
- Olivier ISNARD, Professeur (Physique du solide), Université Joseph Fourier Grenoble
- Pascal Koiran (professeur), informatique, Ecole Normale Supérieure de Lyon
- Pascal Rannou, Professeur (Astronomie/astrophysique), Université de Reims-Champagne Ardenne
- Patrick Boucheron, Maître de conférences (Histoire), Université Paris 1
- Patrick Forterre, Professeur (Biologiste), Université Paris-Sud
- Patrick LEMAIRE, Professeur, CNRS & Université de Provence
- Pierre-Paul Zalio, professeur (sociologie), Ecole normale supérieure de Cachan
- Pierre-Yves Renard, Professeur (chimie), université de Rouen
- Remi Abgrall, Professeur (mathématique), Université de Bordeaux I
- Rinaldo Poli, Professeur (chimie), Ecole Nationale Supérieure des Ingénieurs en Arts Chimiques et Technologiques, Institut National Polytechnique de Toulouse
- Robert Nicolaï, Professeur, Université de Nice-Sophia Antipolis Gilles Dorival, professeur (langues anciennes), Universités Aix-Marseille 1
- Romain Descendre, Maître de conférences (Etudes italiennes-Histoire de la pensée politique), Ecole normale supérieure Lettres et sciences humaines (Lyon)
- Romain Huret, Maître de conférences (histoire, Lyon II)
- Réau Régis, Professeur (Chimie), Université de Rennes 1
- Sharon Peperkamp, Maître de Conférences (linguistique), Université Paris 8
- Simon Gallubert, Professeur (Thermodynamique des réfrigérateurs), Musée de l'Ermitage
- Sophie Basch, Professeur (Lettres), Université Paris IV-Sorbonne
- Sophie Roux, Maître de conférences (philosophie), université Grenoble II
- Thierry Pécout, Maître de Conférences (histoire médiévale), Université Aix-Marseille I
- Valérie Gelézeau, maître de conférences (géographie), EHESS
- Vincent Dubois, Professeur (sociologie et science politique), Université de Strasbourg
- Vincent Laudet, Professeur (biologie), Ecole Normale Supérieure de Lyon
- Vincent Moron, Professeur (géographie), Université Aix-Marseille I
- Véronique Chankowski, Maître de conférences (histoire), Université de Lille 3
- Yves Brechet, Professeur (physico-chimie des matériaux de structure)
- Yves Déloye, Professeur (science politique), Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Monsieur le Président, vous ne mesurez peut-être pas la défiance..., par Wendelin Werner
Je ne pensais pas un jour me retrouver dans la situation qui est la mienne aujourd'hui, à savoir écrire une lettre ouverte au président de la République française : ce qui m'intéresse avant tout, et ce à quoi j'ai choisi de consacrer ma vie professionnelle, c'est de réfléchir à des structures mathématiques, d'en parler avec mes collègues en France et à l'étranger et d'enseigner à mes étudiants. J'ai eu le privilège de voir mes travaux aboutir et récompensés par un prix important. Cela me donne une certaine responsabilité vis-à-vis de ma communauté et me permet aussi d'être un peu plus écouté par les médias et le pouvoir politique.
Comme le montre le sociologue allemand Max Weber dans son diptyque Le Savant et le Politique, auquel Barack Obama s'est d'ailleurs implicitement référé dans son discours d'investiture, nous devons partager une même éthique de la responsabilité. C'est au nom de celle-ci que je m'adresse aujourd'hui à vous.
Vous ne mesurez peut-être pas la défiance quasi unanime à votre égard qui s'installe dans notre communauté scientifique. L'unique fois où nous avons pu échanger quelques mots, vous m'avez dit qu'il était important d'arriver à se parler franchement, au-delà des divergences, car cela fait avancer les choses. Permettez-moi donc de nouveau de m'exprimer, mais de manière publique cette fois.
Je m'y sens aussi autorisé par l'extrait suivant du discours que vous aviez prononcé il y a un an lors de votre venue à Orsay pour célébrer le prix Nobel d'Albert Fert : "La tâche est complexe, et c'est pourquoi j'ai voulu m'entourer des plus grands chercheurs français, dont vous faites partie, pour voir comment on pouvait reconfigurer notre dispositif scientifique et lui rendre le pilotage le plus efficace possible. Je les consulterai régulièrement, ces grands chercheurs, et je veux entendre leurs avis." Je vous donne donc mon avis, sans crainte et en toute franchise.
Votre discours du 22 janvier a, en l'espace de quelques minutes, réduit à néant la fragile confiance qui pouvait encore exister entre le milieu scientifique et le pouvoir politique. Il existait certes, déjà, une réaction hostile d'une partie importante de notre communauté aux différents projets mis en place par votre gouvernement et leur motivation idéologique. Mais c'est uniquement de votre discours et de ses conséquences dont je veux parler ici.
Tous les collègues qui l'ont entendu, en direct ou sur Internet, qu'ils soient de droite ou de gauche, en France ou à l'étranger (voir la réaction de la revue Nature), sont unanimement catastrophés et choqués. De nombreuses personnes présentes à l'Elysée ce jour-là m'ont dit qu'elles avaient hésité à sortir ostensiblement de la salle, et les réactions indignées fleurissent depuis.
Rappelons que vous vous êtes adressé à un public comprenant de nombreux scientifiques dans le cadre solennel du palais de l'Elysée. Je passerai sur le ton familier et la syntaxe approximative qui sont de nature anecdotique et ont été suffisamment commentés par ailleurs. Lorsque l'on me demande à quoi peut servir une éducation mathématique au lycée pour quelqu'un dont le métier ne nécessitera en fait aucune connaissance scientifique, l'une de mes réponses est que la science permet de former un bon citoyen : sa pratique apprend à discerner un raisonnement juste, motivé et construit d'un semblant de raisonnement fallacieux et erroné.
La rigueur et le questionnement nécessaires, la détermination de la vérité scientifique sont utiles de manière plus large. Votre discours contient des contrevérités flagrantes, des généralisations abusives, des simplifications outrancières, des effets de rhétorique douteux, qui laissent perplexe tout scientifique. Vous parlez de l'importance de l'évaluation, mais la manière dont vous arrivez à vos conclusions est précisément le type de raisonnement hâtif et tendancieux contre lequel tout scientifique et évaluateur rigoureux se doit de lutter.
Nous sommes, croyez-moi, très nombreux à ne pas en avoir cru nos oreilles. Vous, qui êtes un homme politique habile, et vos conseillers, qui connaissent bien le monde universitaire, deviez forcément prévoir les conséquences de votre discours. Je n'arrive pas à comprendre ce qui a bien pu motiver cette brutalité et ce mépris (pour reprendre les termes de Danièle Hervieu-Léger, la présidente du comité que vous avez mis en place ce jour-là), dont l'effet immédiat a été de crisper totalement la situation et de rendre impossible tout échange serein et constructif.
De nombreux étudiants ou collègues de premier plan, écoeurés, m'ont informé durant ces quinze derniers jours de leur désir nouveau de partir à l'étranger. J'avoue que cela m'a aussi, un très court instant, traversé l'esprit en écoutant votre intervention sur Internet.
Le peu de considération que vous semblez accorder aux valeurs du métier de scientifique, qui ne se réduisent pas à la caricature que vous en avez faite - compétition et appât du gain -, n'est pas fait pour inciter nos jeunes et brillants étudiants à s'engager dans cette voie. La ministre et vos conseillers nous assurent depuis plus d'un an que vous souhaitez authentiquement et sincèrement aider la recherche scientifique française. Mais vous n'y parviendrez pas en l'humiliant et en la touchant en son principe moteur : l'éthique scientifique.
Comme vous l'expliquez vous-même, la recherche scientifique doit être une priorité pour un pays comme la France. En l'état actuel des choses, il ne semble plus possible à votre gouvernement de demander à la communauté scientifique de lui faire confiance.
De nombreux collègues modérés et conciliants expriment maintenant leur crainte d'être instrumentalisés s'ils acceptent de participer à une discussion ou à une commission. Les cabinets de la ministre de la recherche et du premier ministre ont certainement conscience de l'impasse dans laquelle vous les avez conduits. J'ai essayé de réfléchir ces derniers jours à ce qui serait envisageable pour sauver ce qui peut encore l'être et sortir de l'enlisement actuel.
Un début de solution pourrait être de vous séparer des conseillers qui vous ont aidé à écrire ce discours ainsi que de ceux qui ne vous ont pas alerté sur les conséquences de telles paroles. Ils sont aussi responsables de la situation de défiance massive dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, et que votre intervention du 22 janvier a cristallisée.
Ils ont commis, à mon sens, une faute grave et c'est votre propre dogme que toute faute mérite évaluation et sanction appropriée. Cela permettrait à notre communauté de reprendre quelque espoir et de travailler à améliorer notre système dans un climat apaisé, de manière moins idéologique et plus transparente.
Il est, pour moi, indispensable de recréer les conditions d'un véritable dialogue. L'organisation de la recherche et de l'enseignement supérieur est certes un chantier urgent mais, comme vous l'aviez noté il y a un an, il est d'une extrême complexité. Sa réforme demande de l'intelligence et de la sérénité. Il n'appartient qu'à vous de corriger le tir.
Wendelin Werner, professeur de mathématiques, université Paris-Sud et Ecole normale supérieure
Médaille Fields 2006 et membre de l'Académie des sciences
Communiqué par Sauvons l'Université.
Voir aussi Sarkozy et la recherche. (YouTube)
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